Compte bancaire et ouverture du redressement judiciaire

L’entreprise fraichement placée en redressement judiciaire est confrontée à de nombreuses questions et difficultés : rassurer les salariés et les clients, préparer la période d’observation, réunir les pièces demandées par le mandataire judiciaire, et bien souvent faire face au blocage de son compte bancaire.

L’objectif de cet article est de rappeler les principes applicables en la matière.

Le principe : la continuation des concours bancaires

L’article L622-13 du Code de commerce pose le principe général selon lequel aucune résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou redressement judiciaire, ce qui concerne notamment les conventions de compte courant et les autorisations de découvert bancaire.

La Cour de cassation l’affirme clairement : « l’ouverture du redressement judiciaire n’emporte pas, par elle-même, résiliation des concours bancaires » (1ère civ. 6 janvier 1998, n°95-14261).

Elle précise que l’administrateur judiciaire, ou le débiteur lui-même lorsqu’il n’en a pas été désigné, « doit, lorsqu’il le demande, obtenir la continuation, pendant la période d’observation, des conventions de compte courant, d’ouverture de crédits, de découvert ou d’autorisation d’escomptes en cours au jour du jugement de redressement judiciaire » (Cass. Com. 8 décembre 1987, n°87-11.501).

Cette énumération permet d’englober toutes les relations contractuelles d’une entreprise avec sa banque.

Ainsi, les conventions conclues avec la banque doivent se poursuivre après l’ouverture du redressement, aux conditions initialement fixées.

En pratique, les établissements bancaires arrêtent un solde provisoire à la veille du jugement d’ouverture, celui-ci prenant effet rétroactivement à 0h00.

Ce nouveau compte, même s’il est doté d’une numérotation différente, doit fonctionner aux mêmes conditions que celui ouvert antérieurement au redressement judiciaire.

Le solde débiteur, antérieur à l’ouverture de la procédure, doit être déclaré au passif, sans que les remises ultérieures puissent être affectées au paiement dudit solde.

L’entreprise pourra seulement bénéficier de la part du découvert autorisé qui n’était pas mobilisée à l’ouverture de la procédure : ainsi, si elle bénéficiait d’un découvert autorisé de 5 000 €, et si le compte bancaire était à – 3 000 € à l’ouverture de la procédure, alors le compte RJ offrira un découvert autorisé de 2 000 €.

La jurisprudence veille à ce que les banques appliquent strictement cet article L622-13, en décidant par exemple que ces dispositions « interdisent à la banque d’opposer à l’administrateur qui entend poursuivre la convention d’ouverture de compte, des prétextes tirés d’une impossibilité organisationnelle, prétextes dissimulant la volonté de la banque de cesser tout concours avec une entreprise placée en redressement judiciaire » (Cass. Com. 4 juin 2013, n°12-17.203).

En cas de non-respect de ces dispositions par la banque, l’entreprise est fondée à demander en référé le rétablissement de ses concours bancaires, sous astreinte, dès lors qu’il s’agit de faire cesser un trouble manifestement illicite (Cass. Com. 3 décembre 1991, n°90-13.714).

La banque pourra ainsi être condamnée à reprendre le cours normal de la convention de compte courant, mais aussi à recréditer le compte de l’ensemble des frais prélevés à la suite des rejets intervenus.

Il peut arriver que la banque ait toléré une autorisation de découvert, sans que cet accord ait fait l’objet d’un contrat écrit. Si cette tolérance peut être qualifiée d’ouverture de crédit, alors la banque engage sa responsabilité si elle y met fin sans préavis. Pour démontrer l’existence de cette ouverture de crédit, il faut que la banque « ait pu faire naître chez la société la croyance légitime qu’elle bénéficiait d’une ouverture tacite de crédit » (Cass. Com. 27 janvier 2015, n°13-26.475).

En pratique, et malgré la clarté du principe, l’ouverture du compte RJ intervient souvent dans la confusion, ce qui fait que l’entreprise peut être privée de moyens de paiement durant quelques jours, à un moment où elle n’a pas besoin d’être fragilisée.

L’exception : la rupture des concours bancaires en cours de période d’observation

Ce principe de la continuation des concours bancaires n’est pas absolu, dès lors que la jurisprudence décide que l’article L622-13 du code de commerce n’interdit pas que les concours bancaires soient interrompus durant la période d’observation, dans le cadre de l’article L313-12 du Code monétaire et financier (Cass. Com. 1er octobre 1991, n°89-13.127).

Cet article du Code monétaire et financier dispose : « Tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l’établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l’entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. »

Il en résulte que la banque peut résilier le concours bancaire en cours de période d’observation, à la condition de respecter le préavis contractuel (qui ne peut être inférieur à 60 jours), et surtout de motiver cette rupture, qui ne peut être justifiée par l’ouverture du redressement.

La jurisprudence insiste en effet sur le fait que la rupture doit être fondée sur une cause postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective (Cass. Com. 1er juillet 1997, n°95-15.440).

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